Si leur médecin leur recommandait ! C’est l’un des résultats marquants de l’enquête qu’a publiée en février dernier, la délégation du numérique en santé du Ministère de la Santé. Et il reflète bien la façon dont les Français envisagent le numérique en santé : un facilitateur qui ne doit pas faire disparaître la relation humaine avec les professionnels de santé.
L’enquête « Les Français et le numérique en santé » a été réalisée à l’automne 2023 auprès d’un échantillon représentatif de la population [1]. Elle révèle que les usages des outils numériques sont déjà bien réels puisque 90% des sondés déclarent avoir eu recours à au moins un outil ou un service numérique pour leur santé. Sans surprise, c’est la prise de rendez-vous en ligne qui est la fonctionnalité la plus utilisée par 78% de nos concitoyens. Viennent ensuite les services en ligne de l’Assurance Maladie ou des mutuelles (56%) et les échanges par mail ou sms avec un professionnel de santé (39%). Ce qui marque surtout est que ces chiffres sont en progression par rapport à l’enquête réalisée en septembre 2020 en pleine épidémie de Covid. Cette augmentation des usages trois ans plus tard montre que ces nouvelles pratiques s’ancrent dans le quotidien des Français. D’ailleurs, ils sont 74% à estimer que le développement du numérique en santé va faciliter la coordination entre professionnels de santé et 72% qu’il va fluidifier les démarches administratives.
Mon Espace Santé connu mais encore peu utilisé
Le carnet de santé numérique, lancé en 2022, est connu de 82% des sondés. Et 50% déclarent l’utiliser. Des chiffres pourtant assez éloignés de la réalité, comme le constate la délégation du numérique en santé, puisque 15% seulement de la population a activé son compte Mon Espace Santé. Un décalage d’autant plus difficile à expliquer que les Français semblent avoir une confiance a priori pour ce dispositif. 74% estiment que la sécurité des données y est assurée. Et ceux qui déclarent avoir activé leur profil (35%) sont 91% à vouloir le conseiller autour d’eux. Le principe du système a donc été compris et accepté. Cependant des freins subsistent avec 29% des sondés qui ne voient toujours pas l’utilité du système. En réalité, ce qui est le plus bloquant est le manque de temps pour faire la démarche (26%) et le manque d’informations (24%). La non-activation du compte semble donc relever plutôt de considérations matérielles qu’un réel rejet de Mon Espace Santé. Ou alors les Français attendent la validation par les médecins de ce dispositif. C’est ce que semble indiquer le fait que 57% de ceux qui n’utilisent pas leur carnet de santé numérique le feraient si leur médecin leur recommandait. La préservation du rôle des professionnels de santé semble importante pour les sondés qui expriment peut-être de cette manière leur crainte d’une déshumanisation de la santé. Le juste équilibre reste donc encore à trouver entre les pratiques numériques et la relation patient/praticien.
Une bonne compréhension de l’enjeu des données
Même si les sondés témoignent d’une gestion très aléatoire de leurs données – stockage dans le cloud, dossiers ordinateurs, papiers perdus, etc. – ils ont bien compris l’importance de celles-ci. 86% estiment que leurs informations personnelles sont des données sensibles et ils sont 78% à redouter l’usage commercial qui pourrait en être fait. Tous se méfient des éventuels vols de données et certains s’interrogent sur qui a réellement accès aux données. Surtout, ils ont à cœur d’avoir véritablement la main sur les éléments qui concernent leur santé. 93% jugent qu’il est de leur droit de disposer de toutes les informations sur leur état de santé et tout autant estiment qu’il leur revient de décider qui a accès à leurs données. Ils semblent donc prêts à utiliser Mon Espace Santé à condition toutefois d’être accompagnés par leurs médecins comme en témoigne un participant à l’étude : « mon médecin m’a conseillé de le faire, surtout pour ma fille […] Il ne m’a pas donné d’arguments, il m’a juste dit qu’il faut le faire. Et mon médecin est top ». Les parents semblent ainsi les plus prêts à passer le cap pour sécuriser les données concernant leurs enfants. 78% sont favorables à activer le compte de leur enfant en complément du carnet papier et 65% envisagent de le faire en remplacement du dossier physique. De quoi encourager les professionnels de santé à faire entrer Mon Espace Santé et donc le DMP dans leurs pratiques.
[1] Echantillon de 2032 personnes. Etude menée en ligne entre le 22 et le 27 novembre 2023 par Verian et Harris Interactive, après une étude qualitative auprès de 6 groupes de 8 à 10 personnes réalisée entre le 9 et le 20 novembre.