Marqués par un recours répété à l’alinéa 3 de l’article 49 de la constitution – le fameux 49.3 – les débats sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (LFSS 2023), aussi bien à l’Assemblée Nationale qu’au Sénat ont peu fait évoluer le projet initial du gouvernement. Au cœur de celui-ci, plus de prévention, des mesures visant les jeunes et futurs médecins et la poursuite d’un élargissement des tâches des différents professionnels de santé.
Un début de carrière plus encadré pour les futurs médecins
La mesure la plus controversée concerne les futurs médecins et consiste en l’addition d’une 4ème année d’internat à la formation des généralistes. L’article 37 de la loi fait clairement état d’une obligation d’une pratique en ambulatoire exclusive dans les zones sous dotées. Suite à la mobilisation des internes, soutenue par un certain nombre de leurs aînés, le dispositif a été assoupli, permettant ainsi la pratique en CPTS ou à l’hôpital dans des conditions qui restent toutefois à définir. L’application est prévue dès la rentrée 2023. Autre article concernant directement les jeunes en formation, l’article 42 consacré à l’intérim médical. Le principe est de réduire significativement le nombre de jeunes praticiens débutant leur carrière par ce type de contrat dans les établissements de santé, les établissements médico-sociaux et les laboratoires de biologie. La durée durant laquelle cet exercice leur est interdit sera définie par décret. Cette obligation sera faite aux jeunes médecins et à tous les jeunes professionnels de santé. Enfin, l’installation est la troisième mesure de la LFSS 2023 qui concerne a priori plus particulièrement les jeunes. L’article 38 vise ainsi à harmoniser les différents dispositifs d’aide à l’installation par la création d’un guichet unique départemental pour accompagner les futurs installés qu’ils soient médecins ou autre professionnel de santé. Toutefois l’article fait référence aux négociations conventionnelles pour fixer un cadre unique de contrat d’installation : affaire à suivre.
A noter : les médecins retraités sont également visés par la LFSS 2023. L’article 111 les autorise désormais à un cumul intégral de la pension de retraite avec les revenus d’une reprise d’activité à condition que celle-ci se déroule dans une zone sous-dotée.
La poursuite de l’élargissement du rôle des professionnels de santé
S’inscrivant dans la continuité des exercices précédents et afin de faire face aux pénuries, le gouvernement poursuit, avec cette loi, la délégation de certains actes médicaux aux professionnels de santé. C’est en particulier le cas pour la vaccination. L’article 33 prévoit que sa prescription et son administration, s’agissant des vaccins obligatoires courants, puissent être réalisés par les pharmaciens, les infirmiers et les sages-femmes. Cette faculté de mobiliser largement les professionnels de santé pour la prise en charge de la patientèle est également prévue par l’article 39. Il s’agit d’élargir la permanence des soins ambulatoires (PDSA) aux infirmiers, aux sages-femmes et également aux chirurgiens-dentistes. L’objectif est de permettre de répondre aux demandes régulées par le SAMU ou le 15 qui ne requièrent pas l’intervention d’un médecin. Dans la même logique de faciliter l’accès aux soins, le texte prévoit que de nouveaux actes de dépistages de maladies sexuellement transmissives soient réalisés sans ordonnance ainsi que la délocalisation des laboratoires de biologie. Ces dispositions qui devront être précisées, sont suspendues aux discussions en cours entre le gouvernement et les professionnels concernés dans le cadre de la négociation conventionnelle.
Prévention et expérimentations : vers de nouvelles pratiques
La mise en place de bilans de prévention à tous les âges de la vie (20-25 ans, 40-45 ans et 60-65 ans) est la mesure qui illustre la volonté du gouvernement de faire basculer le système vers une logique préventive. Le contenu et l’organisation de ces nouvelles dispositions de l’article 29 feront toutefois l’objet soit de textes réglementaires soit de négociations conventionnelles. Sont également prévues par le texte plusieurs expérimentations de nouvelles modalités de suivi et de prise en charge des patients. L’accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA) pourra être testé pendant trois ans dans trois régions. Seule condition : que l’expérimentation ait lieu dans le cadre de structures d’exercice coordonnée. Toujours dans une logique de coordination des soins, une autre expérimentation est autorisée pour l’élaboration d’un parcours d’accompagnement des personnes souffrant de diabète 2 avec complications. Plus controversée, une expérimentation d’obligation à réaliser des consultations en zone sous-dotée est inscrite dans le texte. Elle devra être impulsée par une ARS et selon des modalités à définir avec les ordres territoriaux.
Téléconsultation : régulation en cours
Démultiplié pendant la crise Covid et encouragé par les pouvoirs publics dans une logique d’accès aux soins, le recours à la téléconsultation a fait l’objet de deux articles de la LFSS. Le premier (art 53) créé un nouveau statut pour les sociétés dédiées intégralement à la téléconsultation et employant des médecins salariés. Le nouveau cadre prévoyant une certification encore à définir et le respect de la réglementation sur les données (notamment RGPD) permettra à ces nouvelles entités de facturer leurs prestations à l’Assurance maladie. En contrepoint, l’article 101 restreint les remboursements des arrêts de travail aux téléconsultations réalisées par le médecin traitant du patient. A noter toutefois : les cabines de téléconsultation n’ont pas été concernées par la LFSS de cette année contrairement aux souhaits du Sénat.
Le tout avec un Ondam en hausse relative
Avec une augmentation annoncée de 3,7% l’objectif national de dépenses d’assurance maladie paraît s’inscrire dans la poursuite des années précédentes. Toutefois, il comprend encore des sommes entièrement consacrées à la poursuite des efforts liés à la pandémie Covid 19, ainsi que les dispositions du Ségur de la Santé et les efforts réalisés pour l’hôpital. A 244,1 Mds d’euros pour l’année, il se situe dans la trajectoire qu’il aurait dû suivre hors crise Covid, l’augmentation réelle étant donc mineure. Considéré comme peu satisfaisante par une grande partie des professionnels de santé, cette nouvelle loi de financement de la sécurité sociale a fait l’objet de nombreuses mobilisations. Celle des biologistes appelés à des efforts pour financer le système et la grève des cabinets libéraux le 1er décembre sont inédites. L’application des différentes mesures devra donc faire l’objet de discussions entre les professionnels de santé et le gouvernement dans les semaines à venir et notamment dans le cadre des négociations conventionnelles.