Comme celui de 2023, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 a été adopté via le recours par le gouvernement au dispositif dit du 49.31. Au-delà de cette similarité, le texte adopté le 4 décembre dernier, s’inscrit parfaitement dans la continuité de celui de l’an passé, avec la mise en œuvre des bilans de prévention, la lutte contre la fraude ou encore une évolution contrainte de l’ONDAM. Quelques éléments nouveaux ont toutefois fait leur apparition.
Les expérimentations article 51 désormais dans la loi
C’est l’une des principales nouveautés de ce PLFSS. Son article 46 acte l’entrée dans le champ général des parcours coordonnés renforcés issus des expérimentations article 51. Et surtout il intègre les forfaits de facturation dans le cadre de la prise en charge par l’assurance maladie. Actuellement 30 projets de parcours sont en cours de finalisation et 40 s’achèveront en 2024. Ils pourront donc être déployés désormais par tous les médecins ou paramédicaux sur l’ensemble du territoire dès que leur liste sera arrêtée et publiée par le ministre. A charge ensuite à la structure de coordination d’organiser le soin et de déterminer la part de chaque professionnel.
Toutefois les modalités effectives du déploiement restent à préciser par décret. Les parcours expérimentaux restent encouragés par le texte qui prévoit notamment la mise en place d’une expérimentation sur la prise en charge de la dépression post-partum (art 61)
La prescription par les pharmaciens actée
Justement issue d’une expérimentation dite article 51, la prescription et la fourniture de certains médicaments par le pharmacien est généralisée par l’article 52 du PLFSS. Désormais, en officine, et sous réserve d’avoir réalisé les tests préalables, les pharmaciens pourront délivrer des médicaments y compris des antibiotiques. Cette faculté est réservée à l’angine et la cystite. Destinées à éviter le non-recours aux soins et à pallier les difficultés d’accès aux médecins, ces nouvelles modalités de prise en charge impliquent que les patients modifient leurs habitudes.
Par ailleurs, plusieurs articles du texte visent à une meilleure gestion des médicaments. Sont ainsi prévues la possibilité de les délivrer à l’unité ou de substituer une préparation en officine en cas de pénurie. Un dispositif contraint également un industriel souhaitant cesser la production d’un médicament à trouver un repreneur pour continuer la mise en marché.
A noter : la question des franchises reste suspendue, le ministre Aurélien Rousseau se réservant la possibilité de les augmenter par un nouveau texte à venir.
Une nouvelle rémunération à l’hôpital
Voulue par le président de la République, la modification du mode de tarification à l’hôpital fait l’objet de l’article 49 du PLFSS. Actant la fin de la tarification à l’activité comme modèle unique et central, le texte prévoit désormais trois modalités de financement des soins en établissement. Les activités dites standard continueront à relever du système de la T2A. Ce système sera revu tant sur le niveau des tarifs que sur les actes d’ici 2026.
Par ailleurs, il est désormais prévu une tarification pour les activités relevant de missions de santé publique d’une part et d’intérêt général d’autre part. Un financement mixant T2A et intérêt général peut être envisagé pour les urgences ou les soins critiques. Là encore, si les grandes lignes sont fixées comme par exemple l’application d’une logique territoriale pour les missions de santé publique, les modalités feront l’objet de décrets en Conseil d’Etat. Cette modification en profondeur passera par les dotations annuelles forfaitaires aux établissements. En parallèle, le gouvernement poursuit la revalorisation des rémunérations des personnels hospitaliers.
La prévention toujours au menu
L’organisation et la rémunération des bilans de prévention, ainsi que la liste des professionnels de santé habilités à les mener sont renvoyés par l’article 41 à un arrêté ministériel. En revanche, les tranches d’âge concernées ont été modifiées notamment en supprimant ces bilans au-delà de 75 ans.
Par ailleurs, le texte met en œuvre les promesses faites par le gouvernement et visant la santé des populations les plus jeunes. Sont ainsi inscrits aux articles 37, 39 et 40 la campagne de vaccination contre le papillomavirus au collège, l’accès aux préservatifs gratuits pour les moins de 26 ans et l’accès aux protections menstruelles réutilisables également aux moins de 26 ans. Est également prévu un repérage précoce des enfants à risque de handicap (art 83) afin de mieux prévenir les évolutions possibles.
Réduction des arrêts de travail et lutte contre la fraude
Ce PLFSS est, comme le précédent, marqué par la volonté de réduire les dépenses et le déficit. C’est pourquoi, sont prévues de nouvelles mesures pour lutter contre la fraude aux prestations maladie. Ainsi l’article 7 organise l’annulation de tout ou partie des financements de cotisations pour tout professionnel de santé reconnu coupable de fraude. Un article 11 prévoit même que l’assurance maladie puisse signaler aux ordres les professionnels concernés. Sur les arrêts de travail, le texte renforce via l’article 63 le contrôle en prévoyant la suspension ou le report du versement des indemnités journalières sur avis du service médical de l’assurance maladie.
Toutefois ces deux dispositions ont été jugées contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans son avis du 21 décembre 2023 et ne figurent donc plus dans la loi finale. En revanche, la dernière mesure restrictive, à savoir le fait que les arrêts de travail réalisés via une téléconsultation ne pourront pas être supérieurs à trois jours est maintenue. Cependant cette dernière mesure ne s’applique pas si la téléconsultation est réalisée par le médecin traitant de la personne.
Le tout avec un ONDAM à 3,2%
La tendance des dépenses étant croissante, l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie devrait s’inscrire à + 4,6% par rapport à 2023. Toutefois le gouvernement a fixé son niveau à 3,2% soit 254,9 milliards d’euros dont 108,4 mds pour la médecine de ville. Il compte sur les économies sur la fraude mais aussi sur les postes médicaments où sont attendus des efforts des industriels pour atteindre cet objectif.
1 L’article 49, alinéa 3 de la constitution française, permet au gouvernement d’engager sa responsabilité devant l’Assemblée nationale sur un texte donné. Cela enclenche le dépôt d’une motion de censure. Dans le cas où cette dernière n’est pas votée, le texte est réputé adopté en l’état.